SF ? Science fiction ? Science-fiction ? (domaine francophone)

Avant la Seconde Guerre mondiale

Avant la Seconde Guerre mondiale, les amateurs français (ou francophones) de science fiction, c’est-à-dire ceux qui connaissaient et appréciaient ce domaine venu d’Outre-Atlantique, notamment à travers les magazines spécialisés de l’époque, étaient en tout petit nombre. Parmi eux, on a pu identifier Jacques BERGIER (1912-1978), Georges Hilaire GALLET (1902-1995), André-Louis HIRSCH (1899-1962), Régis MESSAC (1893-1945), et peut-être Michel PILOTIN (alias Stephen SPRIEL, 1906-1972).

Cependant, le terme lui-même ne semble pas avoir été transposé de ce côté de l’Atlantique à cette époque.

Ni Régis MESSAC quand il publie ou traduit des textes pour la revue Les Primaires ou dans la collection spécialisée qu’il a créé en 1936, Les Hypermondes, ni Georges-H. GALLET pour son projet de revue Conquêtes en 1939 n’utilisent le terme science-fiction.

En 1949, première occurrence avérée

1949 : la première occurrence avérée du terme science fiction en France est à la Une de l’hebdomadaire Carrefour du 22 juin :
« Carrefour va vous faire connaître le “Science Fiction” »1, avec un article de Gérard Boutelleau publié en pages intérieures : « “Carrefour” va faire connaître en France un nouveau genre littéraire : le “Science Fiction” qui triomphe déjà aux États-Unis ».
Le Science Fiction, donc, comme on écrit le Policier ou le Western. Dans le corps de l’article on a même droit à l’étonnant « les « science fictions » », mis en parallèle avec les « Westerns ».

1949 : le journal La Croix du 13 juillet publie en première page un encadré de Bernard Prieur, intitulé Du nouveau entre les soleils, et qui cite quant à lui la science fiction (au féminin, mais toujours sans trait d’union).

1950 : l’entretien de Claude ELSEN (alias Gaston DERYCKE) avec Georges H. GALLET retranscrit dans Le Figaro littéraire 2 est l’occasion de voir apparaître le terme science-fiction définitivement au féminin3 et, pour la première fois, en français, avec un trait d’union, même si le titre fait référence au domaine du… fantastique.

1950 : Paradoxalement aussi, Georges-H. GALLET, pionnier de la science-fiction en France et qui va la promouvoir dans sa revue V Magazine, sera beaucoup plus hésitant quant à l’usage de l’expression dans cette dernière. En janvier 1950, c’est le terme fiction scientifique qui est utilisé dans la traduction (a priori par GALLET) d’une pochade de Forrest J. ACKERMAN (n° 277).

Il faut attendre juillet 1950 pour y lire le vocable science-fiction (n° 303), et en 1951, GALLET reviendra à un dérivé du terme scientifiction dans l’article Quand l’Amour est scientifictionnel ! 4, quand bien même le terme était devenu totalement obsolète.

En 1951, introduction de la S.F.

1951 : première citation identifiée de l’acronyme SF, (sous la forme « S. F. ») sous la plume de Stephen Spriel (alias Michel Pilotin) dans l’hebdomadaire Les Nouvelles littéraires 5.

Pilotin récidive la même année, sous le pseudonyme de Louis Capace cette fois, dans l’hebdomadaire l’Observateur 6.

Une émergence plus lente dans l’édition

Concernant les livres et les revues, cependant, le démarrage sera plus long.

A l’exception notable, mais isolée du roman Les Humanoïdes (1950) de Jack Williamson qui porte sur son rabat (mais pas sur sa couverture…) la mention « Science Fiction », aucune des collections de l’époque ne mentionne clairement l’appartenance à ce domaine, même les plus importantes : notamment ni Le Rayon Fantastique (Hachette/Gallimard), ni Anticipation (Fleuve Noir) qui débutent en 1951, ni ultérieurement Présence du Futur (Denoël).

Il faut attendre 1958 et l’apparition de la collection Les Cahiers de la science-fiction, lancée par la revue Satellite, pour voir le terme ainsi mis en avant.

Concernant les revues, la revue Fiction qui apparaît en octobre 1953 utilise encore le terme «Anticipation scientifique», alors même qu’elle s’affiche comme l’« édition en langue française de The Magazine of Fantasy and Science Fiction ».

Curieusement, Galaxie (édition française de Galaxy Science Fiction) affiche clairement «Science Fiction» en couverture dès son numéro 1 (novembre 1953), mais le remplace par «Anticipation» à partir du n° 26 de janvier 1956.



Notes

  1. Au masculin, donc, et sans trait d’union. ↩︎
  2. Le roman “fantastique” va-t-il tuer le roman “noir”, surtitré La Littérature de « second rayon »…, Le Figaro littéraire, n° 207, 8 avril 1950. ↩︎
  3. Sauf, tardivement dans l’article signé Robert Escarpit : Le « Science Fiction » est-il un genre littéraire (Le Monde, 31 août 1954). ↩︎
  4. Non signé, in V Magazine, n° 331, Paris, 4 février 1951. ↩︎
  5. Dans l’article Romans de l’âge atomique, in Les Nouvelles littéraires, n° 1121, Paris, 25 janvier 1951. ↩︎
  6. Dans l’article Importance et avenir de la « science fiction », in l’Observateur, n° 80, 22 novembre 1951. ↩︎

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